Bonjour, comment allez-vous aujourd’hui?
C’est avec grand plaisir que je souhaite partager avec vous l’une de mes récentes lectures, l’une de mes lectures de mars.
Nous sommes en Haïti avec deux soeurs Claudette et Lorette.
Lorette est « née d’une union respectable et légalisée » et Claudette est « issue d’une passade condamnable et vouée à l’échec, entre un quadragénaire très conscient de son statut de fonctionnaire des douanes et d’une jeune femme dans la vingtaine qui avait juste le bac ». À la mort de la mère de Claudette, le père de cette dernière, Étienne exige Marie-Rose, la mère de Lorette de prendre sa belle-fille sous son toit. Marie-Rose devient donc une marâtre qui déteste profondément cette pitit deyò (« enfant illégitime » littéralement enfant du dehors), de plus Claudette est, devient tout ce que Marie-Rose avait espérée pour sa propre fille Lorette. En effet, hormis la ressemblance inexplicable de ces deux soeurs , ou demi-soeurs, Claudette est travailleuse, très bonne élève,… Tandis que Lorette est différente:
« L’école a été d’abord pour moi un terrain de jeux, puis au fur à mesure que je grandissais un immense ennui. »
« Elle ne s’attendait pas à ce que je tombe enceinte à vingt ans. Elle ne sut pas comment atténuer ce coup. »
Les jumelles de la rue Nicolas, Évelyne Trouillot
Et puis ces deux soeurs deviennent des Marasa, jumelles!
« C’est après mon installation à la rue Nicolas que les habitants du quartier commencèrent à nous appeler marasa. »
Les jumelles de la rue Nicolas, Évelyne Trouillot
Une complicité naît donc entre ces deux soeurs et elles commencent à jouer de ce jeu: l’une devient l’autre et vice-versa. Et cet accord, ce contrat est jusque-là arrangeant pour toutes les deux.
Jusqu’au jour où:
« Je n’aurais pas dû, mais soeurette, je suis devenue légitime. Je suis toi, j’ai ton passeport en main, je me pavane. »
Les jumelles de la rue Nicolas, Évelyne Trouillot
Un roman écrit à deux voix, la voix de Claudette et celle de sa soeur Lorette. Deux femmes qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau et qui sont malgré tout très différentes.
J’ai apprécié la relation qui grandit et qui parfois se brouille entre ces deux femmes, entre sororité, ou pouvoir de la gémellité; et le désir de survivre malgré toutes les tribulations de la vie (en Haïti ou à l’étranger). Et ce besoin de malgré tout de ne jamais se séparer! Un roman que je recommande vivement.
Les Marasa sont des lwa (loas) très importants dans le panthéon vaudou haïtien, représentés par des enfants par groupe de 2, 3, ou 4. Ainsi les jumeaux et ou jumelles sont considérés comme des enfants puissants et ayant des pouvoirs. L’enfant qui vient après les jumeaux et ou jumelles est un dossou, pour un garçon et dossa pour une fille. Le syncrétisme du vaudou haïtien est donc associé au catholicisme, ainsi Saint-Nicolas d’où provient le nom de la rue est très symbolique.
J’aurais l’occasion de vous en dire davantage en vidéo dans les semaines à venir.
En attendant, je vous souhaite de bonnes lectures et à très bientôt pour de nouvelles aventures ensemble.