Bonjour,
C’est avec grand plaisir que je reviens vers vous après quelques mois d’absence. Je suis de retour avec un article qui me tiens à coeur.
En 2021, j’ai eu l’opportunité de lire un bon nombre d’ouvrages (environ 80 livres). Et dans ma quête de belles et bonnes lectures, je n’ai pas négligé la Littérature Haïtienne. D’ailleurs cette année était plutôt riche pour la Littérature Haïtienne.
C’est avec grand plaisir que je vais vous dresser une liste non exhaustive de quelques ouvrages que j’ai pu lire. Mais aussi les ouvrages que je souhaite lire très bientôt.
Une Rentrée Littéraire d’Hiver florissante!
Commençons avec le dernier roman de Lyonel Trouillot intitulé Antoine des Gommiers. Un célèbre proverbe haïtien dit que: « Sa’m wè pou wou, Antwan nan Gonmyé pa wè’l».
Traduction: (Ce que je prévois pour vous, Antoine des Gommiers ne le prévois pas).
Connaissez-vous Antoine des Gommiers? Et bien je vais tenter de vous en dire plus.
Personnage plus connu sous l’appellation d’Antoine P. et qui proviendrait d’une ville du sud d’Haïti: les Gommiers; une plaine habitée d’arbres à résine non loin de Jérémie; est un homme pleins de mystères. Autrement dit, qui connait réellement cet Antoine dont nous abusons du patronyme pour avertir et prévenir? C’est l’histoire de cet homme à la fois « réel » et mystérieux que l’écrivain haïtien souhaite raconter à sa façon.
Prenons l’exemple de ces deux frères devenus inséparables suite à la mort subite de leur mère que nous allons découvrir Antoine. Franky, est l’un des frères qui est attaché aux mots et qui souhaite reconstituer le passé. Ti Tony, lui souhaite juste faire vivre le duo en restant très pragmatique au sein d’un corridor culturel et physique.
J’ai trouvé cet ouvrage très beau et extrêmement poétique. L’auteur nous invite à questionner l’écriture, son but et ses intérêts. L’amitié, l’amour, la fraternité et les relations intergénérationelles y sont abordés.
Il y a évidemment beaucoup de choses à en dire et j’ai hâte d’en discuter avec vous.
Dans le but de raconter cet homme, ce mythe, ce sont les descendants de ce « hougan » qui vont nous raconter son existence.
L’enfant terrible de la Littérature Haïtienne…
Quant à Makenzy Orcel, autre écrivain haïtien. Cette année l’auteur nous livre un nouveau roman intitulé L’Empereur. Dans son dernier roman le personnage principale est marginalisé, invisibilisé.
Suite à un glissement de ce personnage (finalement nommé P.), celui-ci décide de quitter le lakou pour une destination inconnue via le bus (« le bus de son enfance »). Lors de ce voyage, il tombe sous le charme d’une très belle femme lisant un ouvrage. Fasciné par cette femme et sa passion pour la lecture, P. se retrouve à Port-au-Prince (la capitale). Que va lui apprendre cette lectrice?
Au fil de son périple au sein de la capitale haïtienne il va connaître à nouveau un autre monde d’injustices.
Un roman fort, puissant et émouvant.
Un deuxième roman et un mot uniquement !
Nous voilà en route pour un nouvel univers avec le dernier roman de Néhémy Pierre-Dahomey intitulé Combats. C’est avec un deuxième roman que l’auteur nous conte une histoire de dualités au sein d’une Haïti 38 ans après son indépendance. Une histoire où les personnages sont nombreux, une histoire où une jeune fille de 13 ans devient une reine chanterelle (une sorte de divas des temps modernes comme l’auteur aime bien le mentionner) grâce à un « don »: la création! Elle ne fait en fait que ce que sa feu mère lui a toujours transmis : raconter des histoires!
Entre traditions, héritages multiples et transmissions, c’est une urgence d’écrire que Néhémy nous invite à découvrir à l’aide d’une langue poétique.
Un deuxième roman très intéressant avec une fin lumineuse au sein d’une société rurale parfois oubliée et méprisée.
Les « primo-romancier.es » étaient de la partie!
Le prochain ouvrage que je souhaite vous présenter est un premier roman. C’est le roman d’une femme qui souhaitais au commencement juste écrire son histoire à ses enfants et petits-enfants. Je parle bien de Gerda Cadostin que j’ai eu la chance de rencontrer lors des rencontres virtuelles des Lettres Haïtiennes.
Laisse Folie Courir, c’est l’Histoire de la famille Cadostin: une famille née de femmes et par des femmes!
Sang Cochon est l’une des « narratrices » de la famille. Famille mêlant le clan Estimé, les esprits du vaudou, les pères invisibles et bien d’autres.
Nous traversons l’Histoire depuis (au moins) la cérémonie du Bois Caïman. Et puis la construction de la nation haïtienne à travers cette famille.
La volonté de vivre des vies rêvées des jumelles (Joséphine et Aline) qui décident de prendre pour époux le même homme. Ainsi que la jeune femme qui décide d’en savoir davantage en ce qui concerne sa famille depuis la France.
Un roman fleuve, avec des histoires dans des histoires, une auto fiction pertinente et drôle. De nombreux thèmes et motifs y sont abordés comme la sororité, le symbolisme notamment avec le vaudou. Sans oublier les rêves et les songes, l’exil et enfin les voyages.
Un roman hybride que j’ai beaucoup apprécié avec une construction très intéressante d’une point de vu linguistique.
J’ai eu l’opportunité de découvrir la plume d’un autre primo-romancier l’année dernière. Watson Charles est l’auteur qui a reçu une mention spéciale pour le Prix Senghor. Son premier roman nous embarque au sein de la vie du jeune Jackson à travers les villes haïtiennes accompagné de son fidèle ami Rodrigue. Mais la vie va malheureusement les séparer…
Entre aléas de la vie, rencontres précieuses, amours et les catastrophes Le Ciel sans Boussole nous dévoile des destins saisissants.
Poète ou écrivain? Auteur!
Quelques semaines (ou mois) plus tard, j’ai eu le plaisir de lire un autre premier roman que j’ai également apprécié.
Nous connaissions Jean D’Amérique pour ses poèmes, et ses prestations sur scènes. En 2021, c’est avec un roman que ce dernier décide de nous embarquer de plus belle au sein de son univers littéraire. Intitulé Soleil à coudre, le premier roman de l’écrivain nous raconte l’histoire de Tête Fêlée. Tête Fêlée vit dans un quartier où la misère des bidonvilles « haïtiens » est décrite et vécue. Cette jeune fille tente de déclarer sa flamme à sa bien-aimée à travers l’écriture d’une missive tout en traversant un quotidien tranchant.
Ce roman nous emporte dans sa poésie et nous laisse glisser vers un désir charnel parfois avec divers personnages (comme Fleur d’Orange la mère de l’héroïne), sans oublier de nous frapper par la violence que nous observons à travers les yeux d’autres personnages (Papa, que tout le monde appelle ainsi).
L’innocence de cette enfant pourra-t-elle la délivrer de la cruauté nue d’un monde qui dépérit et qui est sans pitié?
« J’ai des roses coincées dans le cœur pour Silence, des papillons au coin des yeux à lui dessiner, je rêve d’avoir la tendresse des fleurs pour m’approcher de sa beauté, j’espère me muer en rosée pour convenir à son aurore. » Soleil à coudre, J. D’A.
Je vous invite à visionner notre rencontre avec Jean D’Amérique et Néhémy Pierre-Dahomey lors d’une rencontre virtuelle des Lettres Haïtiennes en cliquant ici!
Nouveautés et/ou Classiques?
Je ne me suis pas arrêté là! Hormis les parutions de l’année 2021, j’ai également lu des ouvrages qui m’ont marqués et que je souhaite également partager avec vous au sein de cet article.
En Janvier, j’ai eu l’opportunité de lancer un Club de Lecture intitulé Perler Les Pages , dans le but de lire davantage d’auteur.es haïtien.nes. Et le premier ouvrage que j’avais choisi est le récit de Yanick Lahens à propos du séisme qui avait touché le pays en 2010. Ainsi, c’est avec plaisir que nous avons lu Failles et que nous avons rencontré l’auteure. Ainsi, je vous invite à lire ce récit.
Je tiens à vous conseiller deux autres ouvrages que j’ai proposé lors des mois qui suivaient.
Quand il fait triste Bertha chante de Rodney Saint-Éloi, un récit qui célèbre la mère, les mères. Et Haïti Noir(e), un recueil de nouvelles qui se veut comme un « guide de voyage alternatif » à travers divers villes et quartiers du pays, afin de (re)découvrir la plume d’environ 18 auteur.es liés à Haïti!
Contemporains et ouvrages en tous genres.
Par la suite j’ai également voulu essayer d’autres genres pendant cette année très bien remplie. En effet, les auteur.es haïtiens et haïtiennes n’hésitent pas à s’exprimer à travers beaucoup de genres littéraires. Ainsi, j’ai eu l’opportunité de lire le tout premier recueil de poème de Jean D’Amérique intitulé: Petite Fleur du Ghetto (ou Touf Flè nan Pikan).
Petite fleur du ghetto a été publié pour la première fois en 2015 par l’Atelier Jeudi Soir. Poète et dramaturge haïtien Jean D’Amérique est désormais un auteur qui touche à tous les genres. Ce recueil a pu être réédité en version bilingue (français-créole haïtien ) par Erickson Jeudy avec maelstrÖm reEvolution il y a bientôt trois ( en 2019).
C’est avec plaisir que je découvre l’univers poétique de l’auteur. Ce dernier contribue régulièrement dans plusieurs revues littéraires et anime de nombreux ateliers d’écriture; sans oublier ses interventions poétiques afin de donner (des) voix à ses textes.
« Je suis une fleur
dont la beauté traîne
sous les pieds
comme un carnet
où inscrire le désastre »
.
« Mwen se yon flè
tout bèlte m
ap trennen anba pye
potrè yon kaye
pou ekri dezas »
Petite Fleur du Ghetto, JeanD’Amérique
C’est avec engouement que j’ai continuer à découvrir l’Oeuvre de Jean D’Amérique en me plongeant au sein de ses précédentes publications notamment avec cette pièce de théâtre qui est une vraie merveille.
C’est de la poésie et de l’engagement pour des poètes et poétesses emprisonné.es dans le monde!
C’est bien d’une prison haïtienne qu’une voix s’élève afin de délivrer une longue « tirade ». Cette longue phrase raconte la corruption, la famine, la misère, les catastrophes (naturelles, politiques;…), et l’hypocrisie (de l’église notamment)….
« son existence est une longue lettre à l’espoir
à la rosée de Manuel
à l’étrange vérité de Meursault
et au soleil rouge d’Hilarion
c’est lui d’ailleurs qui m’a enseigné que
malgré les coulées de sang qui hantent la voie de l’aube nouvelle
la révolte reste debout
funambule sur les lames »
Cathédrale des cochons, Jean D’Amérique
Une Rentrée Littéraire en balaie une autre: Bienvenue en Automne!
Mon voyage littéraire ne s’est pas arrêté là, comme vous pouvez bien l’imaginer. En effet, une autre Rentrée Littéraire pointait déjà le bout de son nez. La Rentrée Littéraire d’automne, la plus attendue (en raison des nombreux prix à venir en novembre). Cette rentrée débute bien avant Août avec les premières parutions.
Deux ouvrages de la Littérature Haïtienne se détachaient largement. Les Villages de Dieu d’Emmelie Prophète et Milwaukee Blues de Louis-Philippe Dalembert.
Plébiscité par l’académicien et écrivain haïtien Dany Laferrière, Les Villages de Dieu était l’ouvrage à lire suite aux nombreux problèmes notamment politiques en Haïti. En effet, le 07 Juillet 2021 le Président en fonction Jovenel Moïse est assassiné à son domicile. Les lecteurs et lectrices voient en ce roman une fenêtre pour comprendre la situation du pays ou encore une manière d’expliquer tout cela.
Louis-Philippe Dalembert nous délivre comme toujours un roman complet sur les violences policières qui gangrènent les sociétés racistes ici les États-Unis d’Amérique en s’inspirant de la mort de Georges Floyd.
Ma Pile À Lire…
Pour conclure, c’est avec grand plaisir que je souhaite lire les deux ouvrages ci-dessous:
Rhapsodie Rouge de Jean D’Amérique et Nous ne trahirons pas le poème et autres nouvelles de Rodney Saint-Éloi.
Deux recueils de poèmes publiés au cours de l’année 2021!
Sans oublier le troisième roman dessiné de Dany Laferrière paru aux Éditions Grasset intitulé Sur la route de Bashô !
Et vous que souhaitez-vous lire parmi ces ouvrages ou encore de la littérature haïtienne?
Je vous souhaite une bonne année 2022 et de très bonnes lectures!